Dim 27 Sep - 17:11
- « Ô Hermina ! Je t'en conjure ! Épouse-moi ! »
Et sitôt qu’il eut déclaré sa flemme, Syd de Navarre posa un genou au sol, tendit un joli bouquet de fleurs à sa chère et tendre Hermina et lui fit son plus beau sourire. Ladite déclaration eut l’effet d’une bombe ! Tous les autres employés d’la boutique étaient abasourdis, choqués, dépassés par ce qui s’déroulait au centre même d’la boutique. Des murmures s’élèvent alors de toutes parts et la tension grimpa tout doucement. Souffles courts et yeux rivés sur la scène, les collègues d’Hermina étaient suspendus à ses lèvres pulpeuses. Sauf que la porte de l’atelier s’ouvrit à la volée en faisant tinter la p’tite clochette d’entrée, avant qu’une voix grave n’interrompe le tout comme à son habitude. On change pas une équipe qui gagné, heh !
- « HOY VIELLE CHOUETTE ! FAUT QUE TU M’REPARES MON… »
Ouais, j’avais fait une apparition en fanfare ! Comme ça ! Brusquement ! En plein milieu d’une belle scène d’romance. Mais devant une scène aussi inédite que cocasse, j’avais été coupé dans mon élan, si bien que j’avais même pas terminé ma phrase. Mon arrivée jurait tellement de l’ambiance qui s’était installé dans ledit atelier, qu’il eut de gros soupirs non feints ! Alors que d’habitude, ma gueule faisait peur, là, elle semblait bien exaspérer les gens pour la première fois. D’quoi m’surprendre encore un peu plus pendant quelques secondes, avant que mon regard n’dérive entre Hermina et l’type qui était à genoux devant elle, bouquet à la main. Un p’tit gars chauve, rondelet, à la moustache fournie et au regard aussi mauvais et espiègle que l’mien…
Bref, un porcelet quoi. Y’avait qu’à voir sa couleur d’peau et sa forme ridicule pour comparer…
- « Ah ? On dirait que j’ai interrompu un truc ! D’solé. Du coup, il veut t’baiser lui aussi, boucle d’or ? Remarque, on veut tous t’enfiler ! Tu dois en avoir pas mal d’prétendants, bwéhéhé ! »
Boucle d’or. L’surnom que j’donnais volontiers à Hermina. J’retenais jamais vraiment son prénom et j’avais la flemme d’le faire. D’ailleurs, j’savais pas vraiment si elle était blonde platine ou albinos, mais les brutes comme moi savaient pas saisir les nuances d’couleur ou faire dans la demi-mesure. D’où l’surnom dont je l’affublais bien volontiers. Ébranlé par mon entrée brutale et par mes manières d’brute écervelée, Syd de Navarre se redressa et vint sans peur devant moi en me menaçant d’un doigt mutin avec l’air affecté propre aux aristocrate d’son genre. Il faisait genre pour impressionner sa dulcinée, tout en s’faisant la réflexion qu’un type comme moi pouvait pas l’toucher. Malheureusement pour lui, c’était très mal m’connaitre ! Malheureusement…
- « Jeune insolent ! Un peu de décence que diable ! N’avez-vous pas honte de lui parler de la sorte ?! Veuillez lui présenter vos excuses sur le champ ! »
L’ptit gros voulait plus s’arrêter. Un moulin à paroles, j’vous jure. Et comme j’aimais pas trop les gars qui postillonnaient sur moi, j’retirai les brettelles d’la grosse caisse que j’avais au dos, avant d’poser ladite caisse au sol. Par la suite, je m’étirai pendant quelques secondes, avant d’me tourner vers mon agresseur qui virait du rose façon gros porc à rouge. Ça lui allait bien d’ailleurs ! Puis, comme si d’rien était, j’le soulevai facilement et l’posai sur l’une de mes épaules avant de ressortir de l’atelier avec lui sous des regards médusés. On entendit un gros cri, un bruit d’chute, puis plus rien. Deux secondes plus tard, j’étais d’retour dans l’atelier comme si de rien était. J’venais d’balancer l’porcelet un peu plus loin et il retomba pile dans une grosse flaque d’eau dégueu.
La plupart des autres employés coururent à l’extérieur, sans doute pour porter secours à Syd. Un gros client apparemment.
- « Bon, maintenant que ça, c’est fait, appelle-moi ta patronne, Boucle d’or. Histoire qu’elle vienne m’dire si y’a moyen qu’on puisse réparer mon armure ou non, ou viens voir toi-même c’qu’il en est pour que j’sache au moins à quoi m’en tenir… »
En tapotant ma casse, j’savais intérieurement que c’était foutu pour mon armure, mais la vieille chouette était douée pour faire des miracles.
Encore fallait-il qu’elle soit sur place.