Qui viendra à ennuyer l'autre ? [Ft Lyham]

« Monsieur Trader, c'est bon, j'ai terminé la tournée. Vous avez encore besoin de moi ? »

« Déjà terminé ? Tu as au moins deux heures d'avance sur ta tournée Merye ! Tu t'es encore pressée, j'espère que tu as bien respecté toutes les livraisons. Allez va, tu peux disposer, ce sera bon pour aujourd'hui. »

Je dois l'avouer, j'ai été très rapide sur ma livraison de ce matin. En réalité, je le suis très souvent, mais je n'aime pas conter fleurette ou m'attarder dans ma tâche. Mais cette journée-là, je comptais bien passer au QG des chasseurs, j'avais donc une certaine hâte de terminer le plus tôt possible. Que ce soit pour m'entraîner, ou passer du temps avec mes collègues, car cela était toujours plaisant pour moi. Hormis ma grand-mère, je n'ai plus de famille, et eux sont un peu un second repaire pour moi. Prestement, je repris mes patins à roulettes, et roula à toute vitesse vers ma prochaine destination.

Arrivée sur place, je salua la plupart de mes collègues. Il faut avouer, que n'ayant pas la langue dans ma poche, et une personnalité aussi enjouée que moi, ne pouvais que connaître une grande partie d'entre eux. Me dirigeant vers le bar du QG, je savais que l'ambiance y était toujours festive et joyeuse là-bas. Je reconnus une silhouette qui m'étais des plus familières, bien que lui ne semblait pas encore avoir remarqué ma présence. Je suis de celles, qui ont tendance à faire leur approche en douceur, et s'immiscer face à vous sans que vous ne vous rendiez compte de rien. Tel un parasite... Oui, ce ne certes pas très glorieux de me nommer ainsi, mais je pense que le mot est justifié. Et à vrai dire, je ne trouve pas cela bien péjoratif. J'assume être le genre de personnage que l'on ne souhaite pas toujours voir, et causant parfois des haussements de sourcils ou de longs soupir lors de son apparition. Cela en devient tellement habituel pour moi, que je ne remarque même plus que ma présence n'est pas toujours désirée. Après tout... si je les dérange, autant me le dire avec franchise, mais pas sûre que cela change quoi que ce soit. Bref. Toujours est-il que je reconnus cette chevelure rousse, et ce, même de dos. Il s'agissait de Lyham, cet aventurier qui avait déjà du vécu et de l'expérience dans la guilde. Pour moi, un modèle, bien que nous n'ayons pour autant pas la même branche. Lui trappeur, moi exploratrice, bien que ces deux branches peuvent très bien se compléter l'une envers l'autre. Peut-être qu'un jour, il acceptera que je puisse le suivre lors d'une mission dans les zones extérieures ! J'ai encore beaucoup à apprendre, je ne sors que tout juste de formation. Alors là où je peux apprendre, je cours directement.

Prenant au comptoir un verre de mousseuse pour me joindre à un partenaire de beuverie, bien que je ne sois vraiment si ivre d’alcool que cela... Aussi discrètement qu'une souris, je vins m'asseoir à coté de lui en posant mon verre sur la table. M'imposant sans trop de scrupule ni même en éprouvant un certains malaise face à lui.

« Je me disais que cela faisait longtemps, je n'étais pas venue te voir ! Alors vois-tu, je me suis dit "Allez Merye, va donc retrouver ton ami Lyham ! Mais où pourrais, je le trouver à cette heure-ci ? "  Évidement, question stupide, j'étais certaine de te trouver ici. »

Cela annonçant la couleur, j'étais déjà en train de le soûler de mes paroles. Dans un sens, tous ceux qui me connaissent savent bien que je ne suis pas d'un genre mutine. N'étant pas sotte, je sais parfaitement que ma venue auprès de lui n'était pas forcément désirée, mais je m'amuse un peu de la situation. De toute évidence, il n'allait pas parvenir à se défaire de moi si aisément, alors autant prendre son mal en patience.

« Avoue, même toi, tu devais te dire " Tiens, ça fait longtemps que je n'ai pas vu ma petite Merye !" Je vois bien ton visage qui s'illumine de ma présence. »

Un léger sourire amusé sur mon visage, je porte mon verre à mes lèvres et avale une gorgée de mousseuse. Je l'avoue, je me joue un peu de la situation, mais je ne me laisse pas non plus déstabiliser si facilement. Encore heureux, car avec un personnage tel que Lyham, il valait mieux être ainsi. Je préfère toutefois attendre un peu, avant de le bassiner de questions sur ses précédentes missions, et surtout en venir à lui demander quant est-ce que je pourrais enfin l'accompagner. Chaque chose en son temps, je préfère emmener les choses avec douceur. Du moins, autant que je sois capable de le faire... Ce qui n'est pas forcément de mon ressort.

- « Vu que tu as l’air maintenant en bonne compagnie, je vais m’en aller alors… »

- « QUOI ?! MAIS ATTE- »

- « Bises ! Prends soin de lui Merye ! »

Alors que Lyana revenait des toilettes pour continuer la conversation (ou plutôt subir la lourde drague du gros fumier que j’étais), la présence toute fraiche d’la blondinette à mes côtés constitua une bonne excuse pour elle pour s’éclipser ; non sans avoir récupéré son verre, avant d’aller s’acoquiner avec d’autres chasseurs qui n’attendaient que ça. Faut dire qu’elle était très belle, et pas que : y’avait qu’à voir sa chevelure flamboyante, son sourire enjôleur et ses formes opulentes pour comprendre qu’on avait vraiment affaire à une véritable beauté de la nature. L’une des rares femmes fatales parmi les chasseurs que j’comptais m’faire ! Sauf qu’une p’tite conne d’mes deux était venue tout gâcher ! Mais bien avant d’m’occuper de la parasite, y’avait qu’à voir ma gueule dépitée ponctuée par ma bouche grande ouverte et mes yeux écarquillés pour comprendre à quel point j’étais dépassé par les évènements et surtout déçu par ce revirement d’situation. On avait plus qu’à m’appeler père poissard pour l’coup, sérieusement ! Et dire que j’étais seulement à çà d’conclure mon affaire aujourd’hui ! Bordel d’merde ! Y’avait qu’à moi que ça arrivait ces coups foireux ! Qu’à moi ! Et à cause d’qui ? D’une p’tite fofolle qu’avait absolument pas peur d’ma sale tronche !

J’finis par fermer ma bouche (pour pas gober une mouche qui volait pas très loin) avant de soupirer profondément sans rien dire. Honnêtement, si ça avait été un autre gars, j’lui aurais flanqué une droite illico presto. Mais pour l’coup, on en était loin et j’me voyais pas taper la gamine qui prenait plaisir à m’embêter sans doute « parce qu’elle m’aimait bien ». J’ai jamais compris d’ailleurs cette propension qu’elle avait à m’coller au cul : j’étais rustre, sauvage, alcoolique et un gros pervers notoire qu’hésitait pas à tirer son coup avec n’importe quelle meuf qu’avait un gros cul. Ouais, parce que c’était un peu son cas hein. Ouais bon… L’avait pas un cul aussi énorme que celui de Lyana, mais ça valait son pesant d’or, très clairement. Des formes assez remarques pour être appréciables par pas mal d’gens. Est-ce qu’elle s’en rendait compte un seul instant, tête en l’air qu’elle était ? « Faut toujours que tu foutes la merde quand tu m’approches p’tain… » Et ça avait fini par sortir. L’tout sous une voix rauque, un peu mauvaise, mais somme toute assez basse pour que Merye seule l’entende. Là-dessus, je m’emparai d’ma chope à moitié pleine et la vidai cul sec, sans attendre ! L’idée était d’me calmer pour pas lui gueuler dessus vu qu’elle venait vraiment d’gâcher ma chance.

- « C’est plus fort que toi hein, Blondie ?! »

Blondie. C’était l’surnom dont je l’avais affublé et qui était repris par quelques chasseurs quand ils souhaitaient l’asticoter un peu. Va savoir si elle l’détestait vraiment. Là n’était pas l’problème de toute façon. J’finis par fracasser bruyamment ma chope sur la table devant nous, si bien que l’geste surprit pratiquement tout l’bar pendant quelques secondes, avant que ça recommence à s’animer, les gens étant bien habitués à mes sauts d’humeurs et ayant vu pire que ça ! Et puis, comme si d’rien était, j’lui arrachai son verre et l’vidai cul-sec en moins d’temps qu’il n’en fallut ! Ouais. C’était une vengeance. Une p’tite vengeance vite fait. Mais y’aurait pas que ça, très clairement. Après avoir vidé et fracassé également son verre sur la table, j’me tournai vers elle avec un regard de daron vénère qui faisait comprendre à sa gamine qu’elle venait d’franchir l’pas d’trop : « T’viens d’gâcher mes plans p’tite conne ! T’pouvais pas aller t’foutre un tablier et faire l’service d’serveuse ? Voire même embêter d’autres gars d’ton âge, j’sais pas moi ? » J’fulminais presque. J’lui crachais mes phrases à la gueule, mais sans gueuler pour que tout l’monde nous entende. A quoi bon ? Elle m’avait tellement fait chier que pousser une gueulante servirait à rien.

C’était comme si elle était anesthésiée et s’démontait pas facilement devant moi.

On pouvait au moins lui accorder l’fait d’avoir du cran. Clair et net.

- « T’sais quoi ? File-moi ta bourse ! J’vais aller aux putes pour m’défouler ! T’me dois bien ça putain ! »

Honte de la racketter ? Absolument pas ! Vu son niveau d’chiantise, fallait bien renverser la vapeur !

En étant toute à fait franche, je ne m'attendais pas à ce que ce dernier ne s'acclame de ma venue vers lui. En réalité, c'est probablement pour cette raison que je venais aussi à l'embêter de temps à autre. Si certaines se sentiraient offenser de son attitude, voire iraient à pleureur dans les jupes de leurs mères... Pour ma part, je le trouve plutôt amusant et éprouve un malin plaisir à venir le tanner de ma présence. Même si pour être honnête, il m'arrive très souvent de ne pas me rendre compte d'être si collante, voire embarrassante pour les autres. Si certains me trouvent amusante de par cette attitude, d'autres s'en trouvent un peu plus agacés... Lyham en était pour preuve, que cela soit tout à fait possible. Je ne compris pas d'ailleurs de suite ce pourquoi Lyana me remercie d'être ainsi venu le voir, me laissant seule avec lui. Je ne pus qu'afficher un sourire béa sur mon visage, me donnant ainsi l'air d'une ingénue... Qui ne l'était peut-être pas tant que ça. Une chipie, voilà ce que je peux être de temps à autre. Et la réaction du chasseur ne se dit pas tarder, lorsqu'il évoqua ma présence comme étant problématique à chacune de mes apparitions. Ce que je pris pour un compliment en réalité... Quoi ? Au moins grâce à ça, il se souvenait parfaitement de moi ! Nous sommes assez nombreux chez les chasseurs de primes, et je me démarque comme je le peux. Ne répondant pas de suite, je me contente de sourire bêtement à ses reproches et ses remarques. A vrai dire, je ne les prends pas forcément pour compte. Cela peut paraître idiot, mais je suis même plutôt satisfaite qu'il me donne même un surnom. Au moins, cela prouve qu'il m’apprécie ! Il ne veut pas l'avouer, surement trop fier ou trop présomptueux pour cela, mais je suis sûre qu'il m'aime bien !

Au fond, peut-être, suis-je réellement trop naïve de croire cela. Mais dans un sens, j'ai toujours été ainsi, à penser positivement et voir le bon coté des choses. Et franchement... Voir le bon coté des choses avec Lyham... Très peu y parvenait. L'on venait même parfois à me demander comment je pouvais faire pour le considérer ainsi.

« Je viens plutôt de te sauver la mise oui, t'avais l'air complétement paumé avec elle. Tu n'aurais eu aucune chance, et  pour être honnête, tu n'auras jamais tes chances avec elle. Elle mérite un homme bien, et toi tu n'es qu'un ivrogne  et un abrutit de première. »

D'un ton neutre et un sourire sur mon visage, je lui répondis ainsi avec l'air le plus naturel possible. Je ne pesais pas mes mots, et pourquoi le ferais-je ? Après tout, lui ne se gène pas avec moi, je ne suis pas sotte au point de courber l'échine devant lui et me laisser ainsi traiter. Cela ne veut pas dire pour autant, que je ne l'apprécie guère. Après tout, c'est un chasseur d'expérience ! Mon ainé, et un mentor que je souhaite avoir avec moi lors de mission. Si je voulais qu'il m'accepte auprès de lui, il fallait que je parvienne à gagner un minimum son respect. Bien que cela... Ne semble pas tellement gagner... Toutefois, je ne degna pas lorsque ce dernier vint à se saisir de mon verre, le fracassant comme le précèdent sur la table. Levant les sourcils, et roulant des yeux. Il fallait toujours qu'il se fasse remarquer, mais c'est un peu ce qui apporte de sa personnalité.

« Si j'étais serveuse ici, cela ferait un moment que je t'aurais versé un pichet sur la tête... Me tente pas trop.  »

Malgré ses airs de bouledogues, je garde un minois souriant voire légèrement chipie. Un léger rictus sournois sur le coin de mes lèvres, il faut avouer que je m'amuse avec lui. Bien que je fais toutefois en sorte de ne pas passer certaines limites, je ne voudrais pas qu'il en vienne à carrément me détester. Si ce n'est pas déjà le cas ? En tous les cas, il ne se laisse pas non plus démonter et ose me demander ma bourse ? Il était sérieux ? Déjà que j'avais beaucoup de mal à terminer mes fins de mois, si ce n'est que je dois parfois emprunter aux autres.

« Laisse les tranquilles ces pauvres femmes, elles ont surement mieux à faire que d'étancher un bourrin comme toi. En revanche je peux te proposer autres chose !»

Là, j'affiche un air friponne. Il faut dire que je n'allais pas passer par quatre chemin avec lui ! Après tout, cela ne servirait à rien, mise à part mettre sa patience à rude épreuve. Et je le connaissais assez pour savoir qu'elle était aussi, très limitée. Avec panache, je lui donne un léger coup d'épaule. Si ce geste peut être révélateur de complicité, là, il était tout autre. Je le cherche, je le taquine, je démontre qu'il ne venait nullement à ternir ma bonne humeur malgré ses airs bourrus.

« J'aimerais m'expérimenter un peu sur le terrain, et explorer un peu plus loin pour trouver des ressources. Et ainsi... Gagner un peu d'argent. Pour toi comme pour moi, évidement. Et qui de mieux qu'un chasseur avec autant d'expérience que toi pour m'accompagner ! J'aimerais te voir à l'oeuvre, autrement qu'en réalisant tes exploits de beuverie... »

Qui ne tente rien n'a rien, alors oui, je lâche ça ainsi, sans être certaine qu'il accepte. Mais je pouvais faire preuve de ténacité...

- « T’es vraiment une abrutie, Blondie… T’as déjà oublié c’que t’as appris en formation ? D’où un traqueur comme moi peut accompagner une exploratrice ? Jamais j'me coltine ta présence à l’extérieur moi. C’qui faut pas entendre… »

J’avais attendu qu’elle finisse d’tailler une bavette comme elle avait l’habitude d’le faire, avant d’lui souffler ces phrases avec un calme presque inquiétant. Si j’étais prompt à m’énerver et à injurier les gens, je n’adoptais ce genre de comportements que lorsqu’on parlait d’une chose : le boulot. Et pour le coup, j’étais plutôt sérieux. Il s’agissait pas de la fustiger comme j’avais l’habitude de le faire, ou râler comme un gros bourrin d’service, mais bien remettre les pendules à l’heure. Quand on parlait travail, j’étais on n’peut plus raisonnable et y’avait pas moyen que j’sois comme d’habitude au vu des sujets assez sérieux qu’elle avait évoqué. J’eus même un soupir en fermant les yeux et en m’adossant au mur d’bois qui était derrière nous. J’pouvais comprendre qu’elle puisse avoir soif d’aventures. C’était tout à fait normal à son âge, vu qu’elle était encore toute jeune, toute fraiche et une novice dans le domaine. Relativement on s’entend. Mais il semblait bien que l’excitation lui faisait oublier certains fondamentaux essentiels concernant nos branches et il avait bien fallu que j’lui rafraichisse la mémoire, non seulement pour lui faire comprendre qu’on déconnait pas avec ça, mais aussi pour justifier mon refus, histoire qu’elle s’méprenne pas sur mes intentions. Après tout, comme elle pouvait l’deviner, je l’aimais bien la petiote : son côté emmerdeuse était rafraichissant et on pouvait dire que j’me complaisais volontiers à faire l’râleur avec elle.

- « Ceux qui peuvent t’accompagner, ce sont les protecteurs. Et que j’sache, j’en suis pas un. J’vais pas être là pour t’sauver les miches t’sais. J’suis pas qualifié pour ce genre d’choses et si jamais les patrons venaient à savoir qu’on s’est amusés à faire ça, c’est pas dit qu’ils nous applaudissent si tu vois c’que j’veux dire… Tu tiens à ta carrière naissante, non ? »

Là-dessus, j’approchai l’une d’mes paluches vers sa bouille de gamine prépubère avant d’lui tirer gentiment l’une d’ses joues. L’idée n’était pas de lui faire mal, mais de la réprimander pour avoir oublié ou omis ces fondamentaux quoi. Mais au-delà même de cet aspect technique assez improbable, j’avais vraiment pas envie d’avoir la gosse dans les pattes parce qu’il était pas dit que j’puisse convenablement la protéger ; même si j’doutais pas du fait qu’elle sache cogner et puisse se défendre au cas où ! Cela étant dit, les explorateurs étaient plus ou moins considérés comme les « sachants » et les plus faibles lorsqu’il s’agissait de baston. L’idée d’enfreindre le règlement pour sa p’tite bouille m’effrayait pas spécialement, mais j’étais assez expérimenté et pas trop con pour savoir que j’pourrais pas garantir sa sécurité. C’était bien la dernière chose que j’voulais : qu’elle clamse. « Si tu veux pas finir avec un gros trou à la gueule comme la mienne, t’as qu’à juste oublier ton idée. Y’a pas moyen que ça fonctionne. » Sur cette phrase, j’consentis enfin à lâcher sa joue avant de hausser les épaules. Y’avait des chances qu’elle insiste et qu’elle m’promette qu’elle pourrait protéger son gros cul toute seule, mais sur ce point-là, j’cèderais pas. J’étais p’être un gros con qu’était bon qu’à enculer des meufs, boire comme un trou, bouffer comme quatre et cogner, mais j’avais une éthique pro. Enfin… Plus ou moins. Après tout, j’avais pas d’remords à vendre mes trouvailles au marché noir.

- « T’auras pas d’mal à trouver des protecteurs qui t’accompagneront pour tes jolis yeux et tes grosses fesses. Oui, ce gros boule là ! »

Faut dire que j’perdais pas l’nord. Oh que non ! Sur cette phrase, j’passai tranquillement une paluche sur l’une d’ses miches, comme ça, sans gêne, comme un gros goujat ! Honte ? Absolument pas ! C’était elle la p’tite pucelle qui s’offusquerait de ce geste comme d’habitude ! Du reste, j’me devais aussi de revenir rapidement sur l’une d’ses précédentes réponses : « Les putes sont de pauvres femmes pour toi ? Parce que tu crois qu’elles prennent pas plaisir à verser dans la prostitution ? Ou alors, t’es encore une gamine qui croit que l’monde est tout rose et que toutes les femmes sont gentilles, innocentes et fragiles ? » Mes questions étaient un brin moqueuses et presque cyniques, mais il y avait une grosse réflexion d’sa part que j’voulais soulever. Tant qu’à être l’enfoiré d’service, j’voulais aussi lui apprendre la vie à la dure et lui faire comprendre qu’elle rentrait doucement dans un monde adulte impitoyable où être intrépide et dure à cuire n’suffisaient pas pour s’imposer. Il fallait être réaliste, avoir une bonne dose d’espièglerie et apprendre la nature humaine sous tous ses contours pour n’pas être piétinée entre les murs d’la ville. Si l’extérieur faisait peur, l’intérieur des districts également et il n’était pas question de sous-estimer la noirceur de l’humain. Sa nature en quelque chose. Sur cette réflexion profonde, j’finis par arrêter d’lui tripoter l’derche, non sans lui administrer une petite claque dessus comme un gros macho, avant d’pousser nos deux verres devant elle.

- « Allez, va nous chercher encore d’quoi boire ! Et vas-y, roule du cul pendant que tu te diriges au comptoir, que j’puisse bien m’rincer les yeux ! Tu m’dois bien ça Blondie ! »